Je veille tard

Maintenant,
je désobéis.
Je veille tard.
Pendant longtemps,
on m’a caché
les beautés

de la nuit,
son vaste corps
huilé par la lune.
Pendant toute
mon enfance,
on m’a tenue

à l’écart
de ses souffles
longs
et profonds
d’amante
du monde.

On me couchait
alors que le soleil
n’avait pas encore
basculé
de l’autre côté
de la lisière

qui sépare
l’azur
des hommes.
Entre mon âme
et les astres
de son extase,

il y avait
ces volets
clos si tôt
que je ne croyais pas
possible
la rencontre

d’un météore
après une délicieuse
attente
dans les senteurs
de la terre
et des plantes.

La nuit
me montrait
sa peine
d’être
ainsi bannie
de mes rêves

en me révélant
des monstres
qui me hantaient
jusqu’à ce que le jour
déverrouille
la fenêtre,

sèche
mes gouttes
de sueur
et que je puisse
exister
enfin

dans la clarté
bénite
du jardin.
Mais aujourd’hui,
je désobéis.
Je veille tard.

Je prolonge
mon attente
sous la lampe.
J’approche,
mot
après mot,

du coeur
de la nuit
qui bat
plus fort
que l’horloge.
J’entre

dans son silence
qui m’accueille
de tous
ses yeux
éclos.
Et quand

je sens
qu’il est l’heure,
quand
j’entends
qu’un souffle
s’annonce,

je me penche
légèrement
vers la lueur
d’une bougie
qui tremble
et je sors

du ventre
de la nuit
un poème
que je couche
dans le blanc
berceau

du cahier,
certaine
que l’aurore
lui rendra visite
à la vitesse
de l’étincelle.

J’ai fait, oui,
ce serment
de vie
à la nuit.
Désormais,
je désobéis

à l’enfant
que je fus
jadis.
Je veille tard
pour aider
la nuit

à mettre
au monde
des miracles
quelques secondes
après qu’elle a touché
le monde

de sa vérité.

Géraldine Andrée

 

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