Aller à Jérusalem pour écouter un concert d’Idan Raichel sous les étoiles, dans la nuit toute bleue, en tenant la main de mon amoureux.
Je vois déjà le couloir de céramique blanche menant à la chambre qui donne sur les ruelles enchevêtrées du quartier chrétien, la verrière que l’on traverse, ornée de plantes grimpantes et le cœur d’or d’une lampe qui brille, non loin du lit.
Je vois déjà ma valise défaite : je me penche par la fenêtre pour récolter les éclats d’une ville qui bruit, juste avant de revêtir ma robe de soirée.
Je note toujours mes rêves les dimanches dans la matinée
car il paraît que c’est ainsi que l’on peut les réaliser dans l’année.
Un gratin de courgettes avec quelques feuilles de laurier et tomates de saison qui dore et qui crépite au four tandis que je regarde le soleil disparaître dans ma salle de séjour pour devenir un tout petit point roux.
Comme tu veux t’envoler je prends ma plume et j’écris sur le grain de beauté de ton menton les plis de ton cou ta respiration dans l’ombre pendant la sieste des après-midi d’août ton éternel tee-shirt rouge que tu portais déjà quand j’avais dix ans le frottement de tes pas perdus dans le couloir parce que ma mère tarde à rentrer le mouchoir avec lequel tu essuies à petits coups secs le chocolat autour de ta bouche les veines gonflées de tes poignets lorsque tu serres les poings de colère contre la terre entière
J’écris une dernière fois sur tout ce qui te rendait vivant les menus détails de ton existence l’éclat de ta montre ta façon de déboucher la bouteille de vin les trois comprimés contre l’hypertension que tu poses la veille sur ta biscotte du matin
Ma main est animée d’une énergie quasi électrique tandis que tu deviens cet oiseau s’impatientant sur le fil de mon encre battant des ailes par intermittence puis disparaissant dans le blanc de l’espace suivant que ma plume laisse libre