Archives pour la catégorie Mon psy m’a dit

J’ai taché ma robe

J’ai taché ma robe,

ma robe toute belle, toute blanche, toute fraîche, bien repassée.

C’est pas de ma faute ! me suis-je écriée.

Mais si ! Tu as commis un péché !

Tu as été trop gourmande !

Tu as taché ta robe !

Vois sur l’échancrure

la framboise de la glace qui a coulé

dans la lumière de l’été

et sur l’ourlet cousu à la main

quelques brindilles qui se sont accrochées

au cours de tes roulades

et là, sur le volant de dentelle,

le vert mouillé de l’herbe

où tu t’es assise.

Ta robe s’est froissée

lors de ta course avec la brise !

Comment effacer

plis et taches,

toutes les traces

de ces joies interdites

si tu veux rester coquette ?

Comment retrouver la belle robe blanche ?

Je ne sais.

Je promets à chaque fois

de ne plus recommencer

et puis je recommence.

Je suis vilaine.

 

Cela fait longtemps

que j’ai quitté la robe de mon enfance

mais je fais de même

avec les belles pages blanches

du cahier fraîchement acheté.

J’ai l’audace

de les tacher avec des mots qui disent les cerises, les mousses argentées, les gouttes de sève, les fétus blonds qui volent avant l’orage

et dont le regard de ma mémoire se parsème.

Robe de papier

pour mon désir de revivre avec gourmandise

toutes les joies en allées

qui ne peuvent repasser.

Oh ! Surtout,  ne rien effacer !

Je suis écrivaine.

 

Géraldine Andrée

Les enfants et la nuit

On veut protéger les enfants de la nuit en les couchant tôt.

Pourquoi ?

Pourquoi clore leurs paupières sur les points étincelants du vaste silence ?

Les enfants savent

par une originelle connaissance

que la nuit est présence.

En leur dérobant la beauté de ce mystère,

en remplaçant les étoiles par les lampes,

on rend nos enfants tristes et graves

avant même qu’ils n’aient grandi.

De grâce, laissons entrer dans leur chambre

le souffle de la nuit

destiné à se poser comme une brise qui luit

sur la fleur blanche

de leurs tempes !

 

Géraldine Andrée

Tous droits réservés@2018

 

Le travail du deuil

En cette veille de Toussaint où la nuit est plus longue, je voudrais vous parler du travail du deuil.

Le deuil fait partie de la vie. Beaucoup diront que c’est un stéréotype mais si les stéréotypes demeurent – ce qui fait leur définition -, c’est parce qu’ils atteignent une vérité universelle.

La vie se compose donc de multiples deuils. Quand on fait le pari de vivre, quand on avance pas à pas dans notre existence, on vit de multiples deuils, minimes aux yeux de certains mais qui prennent beaucoup d’importance dans le coeur de celui qui subit la perte : l’enfant qui égare, par exemple, sa poupée préférée ou qui rate un dessin en posant une couleur au mauvais endroit ou en faisant couler son feutre, la femme qui doit se séparer de son bijou le plus précieux…

Il est des deuils qui marquent une vie : ceux relatifs au décès d’un animal ou d’un être cher. Quand ce proche s’en va, passe de l’autre côté, nous aussi accomplissons un passage et mourons. La vie est ainsi faite de petites morts.

Je n’aime pas – et je ne suis pas la seule – l’expression « faire son deuil ». Cette expression est très discutée par certains psychologues. En effet, quand on se retrouve en plein deuil, on est incapable d’agir, « de faire » ; on éprouve un état de passivité extrême, de dépression. On a plus envie de dormir, de rester dans la solitude et le silence que de « faire » quoi que ce soit.

Le travail du deuil n’est pas fait par nous-mêmes. C’est le temps qui fait ce travail à notre place. En avançant de mois en mois, de jour en jour, d’année en année, on s’habitue à l’absence de l’autre.

Le temps par l’alternance des cycles qu’il nous fait vivre – floraison, récolte, fenaison -, permet au processus du deuil de s’accomplir en nous, qu’on le veuille ou non. Pourquoi ? Parce que l’on vit et que le temps nous entraîne tout naturellement sur la pente des jours.

Pourtant, ce n’est pas parce que ce processus s’accomplit naturellement qu’il nous exempte de la douleur. Les saisons, qui sont des anniversaires du décès, accentuent le sentiment de vide et d’identité volée avec le départ de l’être cher. La saison la plus douloureuse est celle de Noël car on est confronté à la chaise vide, à l’assiette en moins, au regard enfui, au rire que l’on n’entendra plus… Or, cette fête s’intègre aussi dans le processus du temps.

Il est dit que le travail du deuil dure un an. Il dure souvent plus. Il est essentiel de ne pas être exigeant envers soi-même et de laisser le temps faire les choses à notre place.

Et, un beau jour, en vivant instant après instant, heure après heure, jour après jour, on découvre qu’on est davantage dans le présent, qu’on vit le jour d’aujourd’hui et qu’on s’éloigne en pensée et en sentiment du traumatisme de la perte.

Quand on s’aperçoit que l’on songe un peu moins à l’être perdu, on a tendance à se culpabiliser et à se dire :

-Je l’éloigne davantage de moi en ne pensant plus à lui/elle.

Et on se force à penser encore plus fort à l’autre comme pour le retenir.

Cependant, cet éloignement que l’on jure à tort comme une « trahison » contribue au lâcher-prise, au détachement qui ne sont pas des preuves d’indifférence, mais de paix retrouvée.

On fait la paix avec la vie qui nous a privés de l’autre, avec sa propre colère – car on en veut à la personne d’être partie, de nous avoir « abandonnés ».

Là est le paradoxe : c’est dans cet éloignement paisible que l’on renoue avec la personne décédée.

Quand on est arrivé au bout du chemin du deuil, des manifestations du défunt peuvent se produire. Beaucoup de témoignages abondent en ce sens : écriture automatique, messages reçus en rêve, un parfum qui passe, soudain, et avec lequel la personne chère se vaporisait le cou le matin, un livre qui tombe d’une étagère de la bibliothèque et qui a été beaucoup lu par le/la disparu(e).

Lorsqu’on s’éloigne de son chagrin, on retrouve le défunt vivant en soi, dans sa pensée, sa mémoire certes, mais aussi dans la certitude que l’on a franchi une ligne invisible qui permet une conversation intime avec l’absent(e).

Bien sûr, cela ne se fait pas tout de suite. La vie a ses lois, son rythme étrangers au culte de la rapidité qu’exalte notre société. Elle nous exerce ainsi à la patience et à la confiance en la marche du Temps.

Le deuil n’est pas un travail que l’on fait soi, c’est le consentement à laisser le Temps tracer son chemin en soi.

Cette épreuve du deuil nous concerne tous, tôt ou tard.

Elle nous apprend la foi dans l’oeuvre des saisons.

On voit les fleurs fleurir et les feuilles pousser parce que l’on est passé par la saison du sommeil de la terre.

Le deuil nous permet de goûter à nouveau à la vie une fois que l’on a permis au Temps de cheminer en soi.

Le deuil n’est pas un travail, non, c’est une alchimie de l’âme, opérée par le rythme des jours, et qui nous rend plus vivants qu’avant.

Géraldine Andrée

Tous droits réservés@2017

La famille terrestre et la famille spirituelle

Nous avons deux familles : la famille terrestre et la famille spirituelle.

C’est ce que mon psy m’a dit.

Or, notre erreur est de confondre les deux, de croire que nous venons de notre famille terrestre alors que notre origine est bien plus vaste, bien plus haute et que notre pays natal se situe parmi les astres.

Cette confusion engendre beaucoup de souffrance car si notre famille terrestre ne nous accepte pas tels que nous sommes, nous croyons ne pas avoir notre place dans l’Univers.

Mon psy m’a dit :

La famille terrestre est éphémère ; elle dure le temps d’une vie.
La famille spirituelle est éternelle : elle nous accompagne de vie en vie.

La famille terrestre exige de son enfant qu’il soit parfait.
La famille spirituelle n’attend rien de l’enfant, sinon qu’il soit.

La famille terrestre voit l’enfant comme un reflet d’elle dans un miroir.
La famille spirituelle voit l’enfant comme il est. Elle le remercie d’exister.

La famille terrestre désire que l’enfant réalise les rêves non atteints (de son père, de sa mère, de ses aïeux).
La famille spirituelle sait que l’enfant est un rêve réalisé dans tous les temps et tous les espaces – passés, présents, futurs.

La famille terrestre transmet à l’enfant des choses dont il n’est pas responsable et qui le font pourtant sentir coupable.
La famille spirituelle voit la pureté de l’enfant comme une fleur parue un matin à fleur de monde.

La famille terrestre donne ses propres chaînes à l’enfant.
La famille spirituelle lui fait pousser des ailes destinées aux souffles des océans.

La famille terrestre alourdit les pas de l’enfant sur son chemin de vie.
La famille spirituelle le guide toujours un instant plus tard, une étincelle plus loin.

La famille terrestre a dans les armoires des secrets bien gardés de génération en génération.
La famille spirituelle montre à l’enfant le point d’or caché sous chaque pétale.

La famille terrestre demande à l’enfant d’accomplir un travail d’évolution.
La famille spirituelle récompense cette évolution qui a toujours atteint le plus haut degré que l’enfant a été capable de gravir.

La famille terrestre s’absente ; déserte ; abandonne l’enfant parfois. Ou elle meurt parce que le temps passe.
La famille spirituelle est fidèle. Qu’importe qu’elle soit invisible ! Elle conseille l’enfant intérieur de chaque adulte par des mots qu’elle dépose dans son âme pendant un songe, une promenade, une lecture. Elle le veille à son chevet, les soirs de silence et de peine.

Notre famille spirituelle habite au-delà de la terre.

Elle nous accueille joyeusement entre deux vies.

Il arrive néanmoins qu’elle existe sur la terre.

C’est alors un miracle qu’il faut fêter avec plus de générosité que son propre anniversaire.

On peut la rencontrer dans la parole d’un ami, les yeux d’un animal, le sourire d’un étranger que l’on reconnaît soudain.

Malgré le fait que nous soyons des passants dans ce monde, la famille spirituelle nous rend la souvenance de notre éternité et de notre maison première dans l’Univers.

Nous ne sommes jamais orphelins. Ni seuls.

A l’arbre millénaire dont les branches s’accrochent à la moire scintillante de la nuit,

nous sommes chacun

Feuille attachée.

C’est ce que mon psy m’a dit,
Aujourd’hui.

Géraldine Andrée

Mon psy m’a dit

De l’évolution spirituelle

Mon psy m’a dit :

 « Lorsque tu évolues spirituellement, tu te fais fatalement des ennemis. Pourquoi ? Parce que les gens, pour leur confort, préféreraient que tu restes dans ton état antérieur afin de pouvoir rester, eux, comme ils sont. Parce qu’ils ne supportent pas de te voir monter et les laisser à un autre degré. Parce qu’ils ne supportent pas de devoir faire cet effort incommensurable de monter pour pouvoir te rejoindre.

Parmi tes ennemis, il y a les gens qui ne t’aiment pas et qui te le montrent. Avec eux, pas de problème. Tu sais à qui, à quoi t’en tenir.

Et puis, il y a les gens qui font semblant de t’aimer alors qu’ils ne t’aiment pas du tout. Ce sont les plus dangereux. Il ne faut surtout pas tomber dans leur piège. Mais tu tombes fatalement dans leur piège puisqu’ils font semblant de t’aimer alors qu’ils ne t’aiment pas du tout. Et quand tu prends conscience des premiers signes, c’est, hélas, trop tard. Tu es blessée et la plaie mettra tout le temps nécessaire à se refermer.

Cette cicatrice a néanmoins valeur de témoignage. Elle t’enseigne comment maintenir allumée la petite lampe d’or de ton intuition qui t’a pourtant éclairée mais que tu n’as pas su ou voulu voir à temps.

Tu vas me dire :

– Si j’attire des gens négatifs, obscurs, c’est que forcément je suis négative et obscure, moi aussi.

Et je te répondrai :

– Pas du tout ! N’ajoute pas de la négativité à ton expérience purement humaine ! Souviens-toi de la lampe des soirs d’été. Comme sa tiède clarté dorée attire les insectes noirs, les papillons de nuit qui effectuent leur ronde sinistre dans sa lumière. Tu as beau les chasser de la main, ils reviennent. Ceci est dû à la douceur timide, trop fragile de la lueur de la lampe.

Mais si tu renforces la clarté de cette lampe, si tu en avives la couleur, la chaleur, les insectes noirs et les papillons de nuit ne viendront plus car non seulement ils seront éblouis par le rayonnement de cette lampe qui irradiera de toutes parts, mais aussi ils se brûleront les ailes.

Raffermis la lampe de ton âme.

Fais-en un soleil dans la nuit et plus aucun insecte ne volera devant tes yeux pour entraver ta progression parmi les étoiles. »

Je l’aime bien, mon psy.

Il en sait des choses,

qui sont pour moi aussi précieuses

que des roses en plein hiver.

Géraldine Andrée

Le cahier de mon âme

Mon âme est un cahier où tout est écrit depuis longtemps, même les instants dont je ne me souviens pas immédiatement : les histoires que je me racontais derrière les arbres lorsque j’étais enfant, le mouchoir entortillé autour de mon pouce quand je pleurais, les bains de mer dans le lointain Midi.

Et tout ce qui est caché, méconnu, ignoré de la conscience, cela aussi est écrit dans le cahier de mon âme : la raison des répétitions des douleurs, les cicatrices si anciennes, les enjeux non compris, les motifs des mauvais choix.

Le cahier de mon âme est important. Mon psy m’a dit que les premières pages sont consacrées aux enfances des autres vies. Je peux y retrouver de nombreux pays natals, des villages d’Orient où la terre répandait sa poussière d’or sous mes pas quand j’apprenais à marcher et des hameaux d’Occident où j’ai cheminé tant de fois en trébuchant sous la pluie.

Le cahier de mon âme est omniscient. Il sait tout ce que je sais ; il contient tout ce que j’ai appris. Il répertorie mes richesses et mes manques.
Il est le Mémoire de toutes mes vies. Je n’ai pas à en avoir honte. Chaque chapitre, même tragique, fut important pour me faire devenir celle que je suis.
Je n’ai pas à le garder fermé non plus dans une longue nuit. Chaque homme a un cahier d’âme. Chaque âme venue ici sur cette terre a un cahier. Hélas ! Quand elle a perdu la direction de sa route, elle omet de le consulter !

Mais le plus important, l’Essentiel dirais-je, c’est que le Futur est écrit sur le cahier de mon âme par une main invisible et parfaite. Le meilleur futur. Le futur absolu parmi tous les futurs possibles. Celui qui fut créé pour moi dans le plus beau délié au moment où l’Univers est né. Evidemment, je ne peux pas aller trop loin dans la consultation du cahier. Non seulement je ne comprendrais pas le déroulement de l’histoire mais peut-être aussi me fâcherais-je de ne pas y lire le dénouement souhaité.

Pourtant, ce cahier est là pour m’aider. C’est le cahier de toujours qui n’a pas de page ultime, même lorsque je mourrai. Mon psy m’a dit un matin que, lorsque je désire un conseil, je peux demander à mon Guide, ce professeur pour cette vie, de guider ma main sur la bonne page, la bonne ligne et d’y lire le meilleur de mon histoire, à cet endroit, à cet instant, de trouver dans ce cahier ouvert

l’âme de tout ce que j’accomplis

pour l’âme de l’Univers.

Géraldine Andrée