Archives du mot-clé foi

Haïkus pour le silence 1

Dans le silence
le point d’or
de l’encens

*

Gouttes de pluie
sur le carreau
il est trop tôt

*

La soie de l’herbe
tondue sous
tes pieds nus

*

Son sourire
dans le miroir
lui plaît

*

Bougie allumée
elle s’invite
à dîner

*

Après les épreuves
le sentier
de l’été

*

Le couteau de la lune
m’arrache
à mon rêve

*

Cette rose
dans mon vase
c’est beaucoup

*

Elle ouvre grand
ses mains
pour le jardin

*

Poème déposé
à l’aube
sur l’oreiller

Géraldine





Écris encore

Écris encore
Écris pendant
une minute supplémentaire
Comble avec un mot
l’espace
que tu avais l’intention
de laisser vide
Prolonge l’épilogue
Retarde la seconde
où s’interrompra
le souffle
de la dernière phrase
On ne sait jamais
Il peut apparaître
avant le point
avec sa veste rouge
et ses mains
dans ses poches

près du panneau d’arrivée
juste à temps
finalement
pour l’ultime rencontre
tandis que le train
s’arrête
lentement
ouvre ses portes
et que tu descends
quai A
Écris encore
jusqu’à l’oubli
de cette attente
dont on t’a dit
qu’elle durerait
toute la vie

Géraldine

Tu écris

Tu écris
chaque jour :
bien que le monde
soit lourd,

tu veux le rendre
avec ta plume
aussi léger
et détaché

qu’une feuille
qui danse
sur un rayon
de lune.

Géraldine Andrée

La veillée

Alors, j’ai allongé ma sœur,
la tristesse,
sur la couverture
fleurie

du grand lit
puis j’ai allumé le feu
dans la nuit
de la cheminée.

Les flammes,
ces ballerines
bleues,
se sont entrelacées.

J’ai dégrafé sa robe noire,
délié ses sombres rubans,
ouvert son corsage
et ainsi penchée

sur le soupir
de notre âme
à fleur
de ses lèvres,

j’ai approché
de son visage
la corolle
de la pivoine

blanche,
pour qu’elle s’endorme
avec le souvenir
de mon ultime

sourire
dans le jardin
de la lointaine
enfance.

Géraldine


Ce qui me fait écrire

Ce qui me fait écrire,

ce sont les yeux de mon père, le col déboutonné de sa chemise d’été, son panier de courses rempli de tomates et de pamplemousses à son retour du marché le samedi, son pas lent qui me délivrait de mon mauvais rêve de petite fille, les traces de chocolat au bord de sa bouche qu’il essuyait avec son sempiternel mouchoir à carreaux, les empreintes de ses doigts sur la bouteille de vin rouge, ses mains derrière le dos lorsqu’il longeait le corridor pour trouver une solution à un souci, la lumière qui éclairait son front pendant qu’il lisait le journal, sa manière circonspecte de remonter l’horloge du salon comme s’il était le souverain des heures, l’ultime vêtement qu’il laissa chiffonné sur le chevalet avant de partir…

Ce qui me fait écrire, c’est la vie toujours aussi précise des défunts, l’évidente présence des absents qui nous regardent derrière les mots…

J’en veux pour preuve

ce cahier ouvert sur la mémoire.

Géraldine

En te penchant sur la terre

Les feuilles
s’épanouissent
grâce aux racines.
C’est en te penchant

sur la terre,
c’est-à-dire
en veillant
sur tout ce qui s’apprête

à apparaître,
à venir au monde
depuis
la nuit

la plus profonde
– les graines
fécondes
des semis,

ces gemmes
d’or
qui annoncent
des asters

bientôt prêts
à éclore,
et qui t’invitent
à croire

au futur
de la renoncule,
en la tige
du cosmos

persévérante
dans sa force
invisible –
que tu t’élèves,

car bien après
avoir œuvré
pour faire advenir
la foi

dans l’attente,
tu peux te coucher
sur cette même
terre

bras et jambes
en étoile,
tandis que le ciel
descend

dans la corolle
de ton regard.

Géraldine Andrée


L’adieu au poète

Au cœur
de ta dernière
nuit
tu rêves
que tu n’es plus
qu’un point
qui s’éloigne
qui danse
et qui tremble
minuscule
pétale
confondu
avec la corolle
du ciel
ultime lueur
nous laissant
seuls
avec cette
phrase
qui s’achève
tandis qu’une autre
phrase
la tienne
véritable
commence
et se destine
au jour
suivant
enfin
délivrée
du désir
d’être comprise
par nos esprits
de mortels

Géraldine Andrée

Un recueil de poèmes

Je sais un recueil de poèmes que j’ai écrits et reliés seulement pour moi-même, après mon voyage dans le désert.

Un recueil de poèmes qui dit ma traversée du vent et de la lumière.

Un recueil de poèmes dont les frêles vers sur la page me rappellent la trace dérisoire de mon passage dans le sable – depuis longtemps effacée.

Un recueil de poèmes dont ma voix ne s’adresse qu’au silence.

Un recueil de poèmes qui existera cependant, lorsque je me serai absentée vraiment, pour des yeux que je ne connais pas.

Un recueil de poèmes qui est fait pour être trouvé avant d’être cherché.

Géraldine Andrée