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La veillée

Alors, j’ai allongé ma sœur,
la tristesse,
sur la couverture
fleurie

du grand lit
puis j’ai allumé le feu
dans la nuit
de la cheminée.

Les flammes,
ces ballerines
bleues,
se sont entrelacées.

J’ai dégrafé sa robe noire,
délié ses sombres rubans,
ouvert son corsage
et ainsi penchée

sur le soupir
de notre âme
à fleur
de ses lèvres,

j’ai approché
de son visage
la corolle
de la pivoine

blanche,
pour qu’elle s’endorme
avec le souvenir
de mon ultime

sourire
dans le jardin
de la lointaine
enfance.

Géraldine


L’ancien jardin

Tu le sais bien,
toi et moi,
nous venons
d’un ancien jardin.

Et même
si son murmure
s’est tari
dans les mémoires,

tu peux revoir,
quand tu fermes
en toute confiance
les yeux,

un rayon de soleil
qui danse
sur l’herbe
tendre,

l’ombrelle
du dimanche
au bord
de la fontaine,

la mésange
qui pépie
sur la plus haute
branche,

les fleurs
de glycine
qui s’inclinent
au passage

de la main
de la brise
puis qui redressent
leurs tiges,

le banc
de pierre
grise
sous la vigne,

et cette feuille
qui cligne
dans la blanche
lumière,

signe
qu’il est temps
de prendre
la plume

ou le pinceau
et de tracer
avec l’encre
caressante

ce frêle
chemin
qui nous mène
à l’ancien jardin,

lorsque la vie
semble
avoir effacé
de notre destinée

le vert
clair
et vibrant
du bonheur…

Géraldine Andrée

La feuille du jardin

La maison ouvrira encore
ses persiennes
C’est sûr et certain
Je vois déjà

la scène
par un clair
matin
de juin

Tu arrives
au bout du chemin
quand la main
fine

de la servante
d’autrefois
décroche
la chaînette

qui te fait signe
en scintillant
au soleil
Et voici

la vive
lumière
des roses
trémières

qui entre
dans la chambre
et entoure
la corolle de la lampe

Les notes
des oiseaux
constellent
le plafond

de plâtre
gris
comme un ciel
de beau temps

L’aile
d’une senteur
de lavande
se glisse

dans l’échancrure
en dentelle
de la chemise
qui attend

bras écartés
que tu lui confies
tes épaules
d’enfant

Même la mésange
brodée
promet
de faire éclater

dans le silence
du tapis persan
l’aurore
de son chant

N’éprouve
pas de peine
si en cherchant
le journal

intime
de celle que tu fus
tu ne trouves
que des tiroirs vides

car un autre
cahier
s’est ouvert
dans la chambre

ce jardin
qui t’accueille
avec une telle
bienveillance

que tu deviens
l’une
de ses feuilles
qui palpite

en se tournant
doucement

Géraldine Andrée

Le bouquet

Je rêve
d’un bouquet
de mon jardin

Mais comme ce jardin
n’existe
que dans le futur

je donne chair
à mon rêve
de bouquet

c’est-à-dire
que je le fais exister
par les pétales

de mes mots
dans un poème
qui se déploie

comme présent
offert
par le temps

dans la demeure
ouverte
de mon cahier

Géraldine Andrée

Je donne chair à mon rêve de bouquet.

Qu’importe où il mène !

Qu’importe où il mène !

Je crois qu’un sentier de jardin est fait pour être retracé à la plume

lorsque le jardin lui-même

est perdu.

La main de l’écrivant

devient ainsi l’oiseau qui fait revivre par son chant

les feuilles, les herbes, la source

d’un autre temps.

Géraldine Andrée

Le jardin d’un rêve

Alors que ta chair s’est mêlée à la terre
depuis le mois de novembre,
comment est-ce possible
que tu te tiennes debout dans le jardin,
vêtu de ta chemise blanche
et de ta cravate des grands jours ?

Alors que le jardin a disparu
sous la pelleteuse,
comment est-ce possible
que les feuilles bourdonnent
et que les lilas rayonnent
en mille soleils bleus ?

Là où il n’y a d’ordinaire
que le bitume,
une coccinelle se promène
et monte
le long de la lumière
pour y unir ses ailes…

Et pourtant, c’est possible
puisque je t’entends me répondre
dans un silence
parfaitement clair
où se mire
ton sourire :

Tu sais très bien
que tout rêve est réel,
quelque part
dans l’univers.
J’en ai la preuve
par la cloche

qui sonne
dans le tableau
de ce poème
l’heure étincelante
d’un éternel
dimanche.

Géraldine Andrée

Photo de Pixabay

Orsay

Au bout du chemin
qui tremble
dans le soleil,
apparaît
la jeune fille
à l’ombrelle
blanche
dont il me semble
qu’elle m’appelle.

Et je crois
que s’avance
là-bas,
entre les branches,
le point
de couleur
d’une aile
qui descend
ensuite
parmi les fleurs.

Et si je me lançais
à sa poursuite ?
Si j’oubliais
les lampes
du musée
d’Orsay,
la pluie
de novembre
qui m’attend
sur la route
du retour ?

J’entends
que sonne
dans ce clair
matin
de dimanche
la clochette
du portail
qui étoile
de notes
la toile.

Alors,
j’entre
dans le jardin,
telle
une ombre
légère
qui accompagne
la lumière.

Je prends
le chemin
à rebours.
Je salue
de face
la jeune fille
à l’ombrelle
et je m’éloigne,
je disparais
comme une aile
dans l’encre
du ciel.

Maintenant
que plus personne
ne parvient,
ce soir,
à me voir,
j’existe.

Géraldine Andrée


Paysage d’un poème

En quelques
mots
redonner
au ciel

de mon enfance
sa lumière
puis
avec mon crayon

qui danse
retracer
le chemin
qui mène

à la feuille
la plus lointaine
En quelques
mots

faire
en sorte
que ce bref
poème

contienne
comme
une fenêtre
ouverte

le vaste
paysage
de jadis
où renaître

Géraldine Andrée

Sans titre

Ma main rose
se pose
sur la page blanche

Sous le chiffon gris
d’un ciel de pluie
les tuiles brillent

Même le silence
a un reflet d’eau
qui danse

Tel est ici
le tableau
d’un moment

Géraldine Andrée

Le jardin se prépare

Le jardin se prépare
à l’écart de tout regard.
Il mêle pour les iris
de la fontaine
le mauve, le vert et le bleu.
Il affine la lumière
de ses sentiers.
Il place une aile
sur la courbe
d’une herbe.
Il prolonge
la danse
d’une branche
par quelques points
d’or
et il offre
à chacune
de ses feuilles
une ombre
brune.
Le jardin se fait beau
pour se reconnaître
dans son tableau
avant, peut-être,
de faire éclore
nos yeux…

Géraldine Andrée