Archives du mot-clé Méditation

Haïkus pour le silence 1

Dans le silence
le point d’or
de l’encens

*

Gouttes de pluie
sur le carreau
il est trop tôt

*

La soie de l’herbe
tondue sous
tes pieds nus

*

Son sourire
dans le miroir
lui plaît

*

Bougie allumée
elle s’invite
à dîner

*

Après les épreuves
le sentier
de l’été

*

Le couteau de la lune
m’arrache
à mon rêve

*

Cette rose
dans mon vase
c’est beaucoup

*

Elle ouvre grand
ses mains
pour le jardin

*

Poème déposé
à l’aube
sur l’oreiller

Géraldine





Le jardin conspire

Quand j’écris dans le jardin de mon enfance,
toute l’enfance du jardin
conspire à ce que j’écrive.

Le soleil fait sa ronde autour de ma main.
La fourmi franchit les marges de mon cahier,
me montrant comment être libre.

Les feuilles du vieux tremble
conversent toutes ensemble ;
leurs voix sur ma page déposent leurs ombres d’or.

Le pétale d’un silence virevolte entre mes mots,
ces roses d’encre,
qui ont attendu que je me penche.

Et la paume de Dieu au-delà du jardin
accomplit dans le jardin de l’univers
un autre miracle :

des semis d’étoiles,
des floraisons de météores,
des récoltes de nébuleuses bleues.

Tout le cosmos
vibre, bourdonne, palpite
tandis que se crée

la constellation d’un poème
autour de la petite planète
qu’est ma main de fillette.

Géraldine Andrée

L’ancien pays

La vie
me fait présent
de revenir
en rêve
dans l’ancien pays
que j’ai oublié
depuis
que je suis née
et que pourtant
je porte en moi

et que je berce
à mon réveil
tel un éternel
nouveau-né
avec ma plume
dans les langes
blancs
des pages
de mon cahier
de poèmes

Tous ses soleils
et ses lacs
brillent
dans ma mémoire
Pour les yeux
des girafes
et pour les feuilles
des figuiers
je suis
parfaite

Qu’importent
tous mes échecs
et toutes mes pertes
en cette vie
qu’importe si orpheline
que je suis devenue
je suis encore
en quête
d’un signe
de mon père
ou de ma mère

Je retrouve
la rue
africaine
que j’ai si souvent
parcourue
en tant qu’enfant
presque
nue
cette rue
bruissante

étincelante
où les voix
sont des soleils
qui dansent
sur les fruits
où le pagne
doré
de ma grand-mère
sèche
mes paupières

Alors je vois
que mon âme
est un grand
lac
qui reflète
la savane
de mes rêves
à parcourir
d’ici
à maintenant

Géraldine Andrée

L’ancien jardin

Tu le sais bien,
toi et moi,
nous venons
d’un ancien jardin.

Et même
si son murmure
s’est tari
dans les mémoires,

tu peux revoir,
quand tu fermes
en toute confiance
les yeux,

un rayon de soleil
qui danse
sur l’herbe
tendre,

l’ombrelle
du dimanche
au bord
de la fontaine,

la mésange
qui pépie
sur la plus haute
branche,

les fleurs
de glycine
qui s’inclinent
au passage

de la main
de la brise
puis qui redressent
leurs tiges,

le banc
de pierre
grise
sous la vigne,

et cette feuille
qui cligne
dans la blanche
lumière,

signe
qu’il est temps
de prendre
la plume

ou le pinceau
et de tracer
avec l’encre
caressante

ce frêle
chemin
qui nous mène
à l’ancien jardin,

lorsque la vie
semble
avoir effacé
de notre destinée

le vert
clair
et vibrant
du bonheur…

Géraldine Andrée

Sans titre

Prendre
le train
de bon
matin

vers la tendre
lumière
du Sud,
c’est cela,

Pardonner.

Géraldine Andrée

Elle voulait posséder tout le bleu

Elle voulait posséder tout le bleu

le bleu du monde quand le ciel semble y descendre
le bleu de l’océan sous la terrasse blanche
le bleu des paupières à la naissance
le bleu de la lavande de Provence
le bleu du thym et de la menthe
entre lesquels le sentier s’avance
le bleu des nuits que la fièvre rend ardentes
le bleu d’un beau jour de dimanche
le bleu des cierges dans l’ombre
le bleu des reflets de l’âme lorsque le temps change
comme à travers un miroir qu’une main divine vous tend
le bleu du cri de l’amant
le bleu des ecchymoses contre la bicyclette de l’enfance
le bleu d’une robe qui danse
à la lisière de la forêt d’Amance
ne serait-ce pas celle d’Hortense
qui est pourtant morte depuis longtemps

Mais elle ne pouvait contenir ce bleu immense
entre ses frontières humaines
Son esprit
n’était qu’un tout petit
pays

Alors elle a rempli l’encrier
d’une encre outremer
pour faire de son poème
une embouchure
vers le bleu qui attend
qu’elle s’y baigne
une fois qu’elle aura atteint
ce point
qui s’enfonce
dans l’infini

Géraldine Andrée

Le Poème

Les hommes croient les poèmes si lointains
qu’ils les oublient
éclats d’étoiles mortes
Mais le Poème est
cette lampe de chevet allumée lors d’une mauvaise grippe
la décoration de Noël dans la vitrine
les pattes d’un faon dans la neige
le pain chaud sorti du four
une tarte aux myrtilles
la première vague des vacances
le peigne d’ébène dans les cheveux
les noix de cajou près de la théière
le dernier slow avant que les lumières ne s’éteignent
les bras de l’amant autour des hanches
l’étreinte jusqu’à la lueur blanche
un cahier dont les pages ont l’odeur des draps neufs
les volutes de la sauge qui brûle
un bain sous la lune
le jardin qui tremble de toutes ses feuilles dans le rétroviseur
un peu de miel quand tu as beaucoup pleuré
la guitare dont les cordes vibrent comme lorsque tu étais enfant
le collant aux reflets de moire que tu enfiles pour ce rendez-vous
la mousse du cappuccino que l’ami t’offre avec un sourire
un timbre ancien comme si le temps t’envoyait des nouvelles de l’aïeul perdu
un micro qui te donne enfin le droit de faire entendre ta voix
Le poème c’est Toi c’est Moi c’est l’Autre
Le rythme de chaque cœur qui bat sur cette terre
L’infini qui touche le monde
Et lorsque Dieu me paraît bien lointain
dans sa demeure profonde
je remplace le nom Dieu par le mot Poème
et voilà Dieu écrit
par la grâce de ma main

Géraldine Andrée

Robe de fête

Décidément
elle n’est pas
de cette famille
qui l’ignore

Et en pleurant
encore
elle s’éloigne
à petits pas

sur la route
noire
dans sa robe
de moire

sa robe
faite
pour les instants
scintillants

sa robe
de fête
qui se soulève
quand elle se tord

un peu
les chevilles
sur ce sentier
escarpé

qui malmène
ses talons
hauts
Puis elle se surprend

à sourire
à travers
ses sanglots
Alors

qu’elle s’est donné
tant de peine
pour briller
à la table

ce sont les étoiles
qui sont devenues
désormais
ses paillettes

Géraldine Andrée

Photo de Jonathan Borba sur Pexels.com

Sois fidèle à toi-m’aime, surtout quand on te renie !

Le silence

Le silence
est tel
à cette heure

qu’il me semble
qu’il baigne
la tasse

la carafe
ce rayon
de soleil

et mon poème
dont chaque
mot

est
le reflet
de l’autre

Géraldine Andrée

Photo de Diego Madrigal sur Pexels.com

Poème
feuille
qui se penche
à fleur
de silence

Ce point commun

Je sais
ce point
commun
entre

prendre
le petit
sentier
des vacances

tout étoilé
de lampes
le soir
en Provence

et écrire
un poème
Je vais
portée

par les chevilles
ailées
de mon âme
vers

l’encre
brillante
d’une galaxie
de silences

Géraldine Andrée