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Ce qui me fait écrire

Ce qui me fait écrire,

ce sont les yeux de mon père, le col déboutonné de sa chemise d’été, son panier de courses rempli de tomates et de pamplemousses à son retour du marché le samedi, son pas lent qui me délivrait de mon mauvais rêve de petite fille, les traces de chocolat au bord de sa bouche qu’il essuyait avec son sempiternel mouchoir à carreaux, les empreintes de ses doigts sur la bouteille de vin rouge, ses mains derrière le dos lorsqu’il longeait le corridor pour trouver une solution à un souci, la lumière qui éclairait son front pendant qu’il lisait le journal, sa manière circonspecte de remonter l’horloge du salon comme s’il était le souverain des heures, l’ultime vêtement qu’il laissa chiffonné sur le chevalet avant de partir…

Ce qui me fait écrire, c’est la vie toujours aussi précise des défunts, l’évidente présence des absents qui nous regardent derrière les mots…

J’en veux pour preuve

ce cahier ouvert sur la mémoire.

Géraldine

En te penchant sur la terre

Les feuilles
s’épanouissent
grâce aux racines.
C’est en te penchant

sur la terre,
c’est-à-dire
en veillant
sur tout ce qui s’apprête

à apparaître,
à venir au monde
depuis
la nuit

la plus profonde
– les graines
fécondes
des semis,

ces gemmes
d’or
qui annoncent
des asters

bientôt prêts
à éclore,
et qui t’invitent
à croire

au futur
de la renoncule,
en la tige
du cosmos

persévérante
dans sa force
invisible –
que tu t’élèves,

car bien après
avoir œuvré
pour faire advenir
la foi

dans l’attente,
tu peux te coucher
sur cette même
terre

bras et jambes
en étoile,
tandis que le ciel
descend

dans la corolle
de ton regard.

Géraldine Andrée


L’ancien pays

La vie
me fait présent
de revenir
en rêve
dans l’ancien pays
que j’ai oublié
depuis
que je suis née
et que pourtant
je porte en moi

et que je berce
à mon réveil
tel un éternel
nouveau-né
avec ma plume
dans les langes
blancs
des pages
de mon cahier
de poèmes

Tous ses soleils
et ses lacs
brillent
dans ma mémoire
Pour les yeux
des girafes
et pour les feuilles
des figuiers
je suis
parfaite

Qu’importent
tous mes échecs
et toutes mes pertes
en cette vie
qu’importe si orpheline
que je suis devenue
je suis encore
en quête
d’un signe
de mon père
ou de ma mère

Je retrouve
la rue
africaine
que j’ai si souvent
parcourue
en tant qu’enfant
presque
nue
cette rue
bruissante

étincelante
où les voix
sont des soleils
qui dansent
sur les fruits
où le pagne
doré
de ma grand-mère
sèche
mes paupières

Alors je vois
que mon âme
est un grand
lac
qui reflète
la savane
de mes rêves
à parcourir
d’ici
à maintenant

Géraldine Andrée

La flamme bleue

Cette flamme
bleue
auprès de laquelle
reviennent
les ailes
d’un très vieil
été,
les voix
des histoires
anciennes,
les ombres
blanches
des enfants
quand
leurs jeux
s’achèvent,
les visages
des feus
aïeux
dont les yeux
connaissent
mon âme,
les étincelles
des tasses
chinoises
sorties
de la crédence
et les instants
où un sourire
s’attarde,

cette flamme
si frêle
qui, à mesure
que je descends
dans le silence
de la page,
s’élève
dans un indicible
murmure,

c’est
le Poème.

Géraldine Andrée

Le détour

Oser faire
un détour,
et t’apercevoir
que si tu es en retard

pour ton rendez-vous
du jour,
tu as reçu
un nouveau regard,

celui qui a pris le temps
de se poser
sur la goutte
étincelant

telle
une étoile
sur le fil
de la toile

que l’épeire
discrète
a tissée
dans la lumière…

Géraldine Andrée

La feuille du jardin

La maison ouvrira encore
ses persiennes
C’est sûr et certain
Je vois déjà

la scène
par un clair
matin
de juin

Tu arrives
au bout du chemin
quand la main
fine

de la servante
d’autrefois
décroche
la chaînette

qui te fait signe
en scintillant
au soleil
Et voici

la vive
lumière
des roses
trémières

qui entre
dans la chambre
et entoure
la corolle de la lampe

Les notes
des oiseaux
constellent
le plafond

de plâtre
gris
comme un ciel
de beau temps

L’aile
d’une senteur
de lavande
se glisse

dans l’échancrure
en dentelle
de la chemise
qui attend

bras écartés
que tu lui confies
tes épaules
d’enfant

Même la mésange
brodée
promet
de faire éclater

dans le silence
du tapis persan
l’aurore
de son chant

N’éprouve
pas de peine
si en cherchant
le journal

intime
de celle que tu fus
tu ne trouves
que des tiroirs vides

car un autre
cahier
s’est ouvert
dans la chambre

ce jardin
qui t’accueille
avec une telle
bienveillance

que tu deviens
l’une
de ses feuilles
qui palpite

en se tournant
doucement

Géraldine Andrée

TU ES PRÉCIEUSE

N’oublie pas, ma chère, que TE CONSIDÉRER COMME PRÉCIEUSE TE RENDRA PLUS FORTE. Alors, chouchoute-toi ; dorlote-toi :

*Bois beaucoup d’eau

*Va à la rencontre des livres qui t’attendent dans ta chambre

*Passe une longue nuit entre des draps satinés

*Pose un bouquet de fleurs fraîches sur la table basse de ton salon

*Écris chaque matin dans ton journal de Diva

*Ouvre toutes les portes afin que la musique baroque traverse les pièces de ta maison

*Enroule une écharpe en mohair autour de ton cou

*Pulvérise sur tes poignets ce parfum à la rose acheté à Majorque quand tu te sens incomprise par le monde entier

*Suis le chemin d’un poème qui t’apprendra à te déhancher davantage

*Fais brûler de l’encens ayurvédique

*Mange des gaufres chaudes au miel

*Interroge la flamme de ta bougie préférée : elle seule sait

*Sirote un thé en regardant la lune

Et surtout, respire ; tout va bien, vraiment,

car il n’y en a pas deux comme toi

pour te créer des moments de joie.

Tu es UNIQUE.

Géraldine Andrée

Écrivaine privée-biographe familiale-écritothérapeute

Actualité

Le livre Broché du Bleu de menthe du silence, édité avec le Soupir du temps, est arrivé !

Je ne sais si vous recevrez ma lettre Le temps n’est plus à la lecture Les flammes se fatiguent vite Les étoiles disparaissent parfois du ciel et l’on sent monter un silence de neige On préfère clore très tôt les persiennes mais l’on craint aussi l’ombre de la chambre

Je vous écris cette lettre cependant Et si vous sentez à votre chevet passer un souffle ou une aile ne vous inquiétez pas 

Ce ne sont que mes paroles qui ont quitté pour toujours le cœur de mes mains ouvertes

Géraldine Andrée

Ce recueil de poèmes rassemble des textes intimistes écrits pendant sept années, dont un qui fut unanimement primé, La Petite Chambre du Sud, et qui donna l’un de ses vers comme titre à ce recueil. Pour Géraldine ANDRÉE, écrire de la poésie consiste à « écouter le frémissement d’une aile en chaque silence ».

« Au cours de cette promenade immobile
cueillir le bleu de menthe du silence
puis converser avec la solitude
loin très loin dans la petite chambre du Sud »

J’écris pour Toi

J’écris pour Toi.
J’écris pour que tu choisisses le sens de ta vie ;
pour que tu croies en l’Univers, au mouvement des étoiles qui changent les situations;
pour que tu éclaires avec ton âme les matins, même s’il te reste le goût du chagrin ;
pour que tu fasses confiance au temps, à la force de la patience ;
pour que tu aies le courage de renoncer quand c’est nécessaire, afin de mieux recevoir par la suite ;
pour que la fenêtre de la page transforme ton regard ;
pour que tu me lises et me répondes en écrivant lentement, en te délectant des méandres de l’encre ;
pour que tu traces toi-même ton chemin avec persévérance ;
pour que tu sois protégée par le pouvoir et la pureté de tes intentions ;
pour que tu ressentes là, tout au bord de la marge ou à la fin de la phrase, l’infini possible ;
pour que tu entendes la feuille d’un nouveau printemps se déplier sous tes doigts.

Je t’écris pour que ma lettre crépite comme les ailes d’un ange que tu appelles
quand il te semble que tu t’es éloignée de toi-même.

Géraldine Andrée