Archives pour la catégorie enfance

L’ancien pays

La vie
me fait présent
de revenir
en rêve
dans l’ancien pays
que j’ai oublié
depuis
que je suis née
et que pourtant
je porte en moi

et que je berce
à mon réveil
tel un éternel
nouveau-né
avec ma plume
dans les langes
blancs
des pages
de mon cahier
de poèmes

Tous ses soleils
et ses lacs
brillent
dans ma mémoire
Pour les yeux
des girafes
et pour les feuilles
des figuiers
je suis
parfaite

Qu’importent
tous mes échecs
et toutes mes pertes
en cette vie
qu’importe si orpheline
que je suis devenue
je suis encore
en quête
d’un signe
de mon père
ou de ma mère

Je retrouve
la rue
africaine
que j’ai si souvent
parcourue
en tant qu’enfant
presque
nue
cette rue
bruissante

étincelante
où les voix
sont des soleils
qui dansent
sur les fruits
où le pagne
doré
de ma grand-mère
sèche
mes paupières

Alors je vois
que mon âme
est un grand
lac
qui reflète
la savane
de mes rêves
à parcourir
d’ici
à maintenant

Géraldine Andrée

L’expérience de vie qui m’a le plus aidée à grandir

Géraldine Andrée


Extrait de
Quand l’enfance m’a quittée

https://www.goodreads.com/book/show/122893395-quand-l-enfance-m-a-quitt-e

Le silence

Le silence
est tel
à cette heure

qu’il me semble
qu’il baigne
la tasse

la carafe
ce rayon
de soleil

et mon poème
dont chaque
mot

est
le reflet
de l’autre

Géraldine Andrée

Photo de Diego Madrigal sur Pexels.com

Poème
feuille
qui se penche
à fleur
de silence

La mère et l’enfant

La compote
déborde
de la cuillère
et tremble
dans ses reflets
d’ambre
à fleur
de tes lèvres

Dans un bref
mouvement
de caprice
ou de révolte
tu tournes
à demi
la tête
puis tu pinces
la bouche
pour téter
la bouillie
de fruits
que je te donne
avant d’en rejeter
un peu
sur la blanche
serviette
qui te sert
de bavoir

Le temps
est revenu
en enfance
sauf que c’est moi
l’enfant
qui te nourris
toi
ma mère
dans le jardin
gris
de ce soir

Géraldine Andrée

Le banquet des Illuminations

J’attends que toutes les lampes soient éteintes, qu’il ne filtre plus aucun rai de lumière sous les portes.

Alors, la nuit est à moi. Il n’y aura plus de cri, de dispute pendant huit heures. Si je n’ai pas eu ma place à la table familiale, ce soir encore, pour je ne sais quelle raison vénielle, j’ai ma place au banquet des Illuminations.

Avec la barque de mon lit, je glisse en toute confiance sur le silence et je passe sous des ponts ; j’arrive au bord d’un parc traversé par une allée rouge ; je descends, l’auberge est là, avec tous les poètes qui me font fête et qui ont allumé les lampions d’or du domaine pour l’occasion. Les poèmes remplissent ma bouche comme du pain tendre. J’existe pour la lune et pour la mer, pour le funambule de l’Univers qui danse sur le fil des étoiles filantes dont une étincelle tombe parmi le lilas. Je suis assise sur la cime qui bruisse dans une constellation de feuilles et je me balance entre ce monde et l’infini, telle une mèche incandescente. Si je disparaissais, qu’est-ce que cela ferait ? Ils chercheraient longtemps mon fantôme dans le jardin mais je serais devenue l’ombre d’une fleur. La poésie, enfin, me ferait vivre incognito !

Je place le recueil à la hauteur de mon cœur et la corolle de mon sein gauche fleurit à fleur de feuille, près d’un essaim de mots.

Géraldine Andrée

Extrait de mon récit d’adolescence publié aux éditions Lulu,

@Mars 2023

Quand l’enfance m’a quittée

L’enfance, c’est

L’enfance, c’est

la vague qui monte jusqu’à mes épaules,

un matin, sur une plage du Finistère.

Et j’oublie les bancs de bois de l’école,

les découpages ratés, les pages qui se décollent,

les jours sans lumière.

D’une seule et lente brassée,

je suis le voilier qui vogue,

la mouette qui vole,

l’univers qui m’emporte

vers ce qui me semble être

une mort claire,

une mort bien vivante,

faite de bleus qui tournoient

dans des roulis de joie

et d’éclaboussures qui chantent

sur mes tempes.

Géraldine Andrée

La chemise de grand-père

Devant moi, la page blanche
comme la chemise de grand-père
par un mariage,
un beau jour de printemps…

Parmi les convives,
c’est sa chemise au col ouvert
dans la lumière,
mon seul repère…

Entre mon pouce et mon index,
je tiens un angle
de la page blanche
et je me souviens

que je pinçais ainsi
un pan de la chemise de grand-père
quand il m’emmenait au marché
du dimanche.

Il me guidait à travers la houle bruyante
de la foule
vers les fruits roux
et les légumes à la peau brune…

Avec lui, je ne pouvais me perdre.
Il connaissait la destination pour moi,
comme aujourd’hui la page
décide où je dois arriver.

Dans ce mouvement,
ma main effleure la page du jour
et je redeviens alors
cette enfant de sept ans

dont le bras frôle
en promenade
la chemise bien blanche
de grand-père

tandis que nous empruntons
le petit sentier qui monte,
tout là-bas,
dans le bleu fleuri du bois.

Ni lui ni moi
nous ne parlons.
Nous allons si loin ensemble
qu’il me semble

que nous nous enfonçons
dans le blanc du ciel
et que je ne suis toujours pas revenue
de ce silence

quand j’accroche à la fin d’une phrase
un point au gris brillant
comme le bouton
de la chemise de grand-père.

Géraldine Andrée

Il y aura toujours une enfance

Il y aura toujours une enfance qui nous attend dans le pays de la mémoire ; une petite fille qui rêve de nous, c’est sûr, le pouce entre les lèvres et les yeux à moitié ouverts sur le matin à naître ou un petit garçon qui s’amuse à rassembler, en souriant, les billes de chaque instant que le temps a fait rouler dans le ciel d’un beau dimanche.

Géraldine Andrée

Photo de Eren Li

Les jeux de l’enfance

Retrouver
les jeux
de l’enfance
vous savez

quand on s’émerveillait
d’une poignée de terre
dans laquelle on créait
le visage d’un ange

On voyait alors
toutes les aurores
dans un seul
crayon de couleur

On était le chef
d’orchestre des feuilles
avec une baguette
d’argousier

On maquillait
les yeux des poupées
d’un épais trait
de feutre

et on faisait
d’une cueillette
de trèfle
un banquet

dans une assiette
de dînette
agrémentée
de rosée

On courait
après le rire
d’une fée
qui roulait

sur un sentier
sauvage
où il était pourtant
interdit d’aller

et on tendait haut
les bras
pour attraper
un fil de lumière

qui nous servirait
peut-être
de corde
à sauter

Retrouver
sans tarder
les jeux
de l’enfance

Retrouver
aujourd’hui même
les jours
qui dansent

Géraldine Andrée

Le dernier voyage

Reprendre la route
de bon matin
Fendre les feuillages
et constater

en me retournant
que ma trace
a permis que le ciel
s’y engouffre

Dépasser les maisons
de brique rouge
puis le Pont
des Forges

La brume
flotte
très basse
sur le fleuve

Le paysage
est tout
imprégné
de sa rosée

Mais le mont
brille
là-bas
d’une lumière

neuve
comme si un blanc
chiffon
l’avait essuyé

pour lui redonner
son éclat
d’aube
première

Aller si vite
que les pancartes
deviennent
illisibles

Un rayon
de soleil
frappe
mes paupières

Le passé
avec ses épreuves
s’éloigne
encore

Après la forêt
que peuplent
les ormes
d’or

je vois
la flèche
grise
de l’église

Je m’approche
déjà
du village
de mon enfance

La longue
robe
du vent
que renforce

mon passage
frôle
la rambarde
qui me sépare

du mur
bordé
de chardons
argentés

Dans mon miroir
de poche
j’ai conscience
que mon visage

est semblable
à hier
mais que plus j’avance
plus mes sentiments

envers les autres
les événements
et leurs circonstances
changent

À l’arrivée
je serai sans doute
plus légère
que jamais

oublieuse même
de mes bagages
car l’essentiel
aura été

de reprendre
la route
pour le dernier
voyage

Géraldine Andrée