Je veux évoquer ici
cette chanson de Blondie,
Heart Of Glass,
au temps
où tout le monde
était encore vivant
– mon grand-père, ma grand-mère,
mon oncle, ma tante,
mon père, ma mère -…
Nous déjeunons alors
tous ensemble
en regardant
la blonde Blondie
qui se déhanche
– bottes rouges et jupe courte –
au rythme
des accords
qu’enchaîne
sa voix
dynamique
de soprane
sur l’écran de la télévision,
près de la fenêtre
du salon.
Mes grands-parents,
qui ont vécu à l’époque
où les cols
des robes
sont fermés
jusqu’au dernier bouton,
ne trouvent pas
la danse de Blondie
indécente.
Ils ont traversé
Mai soixante-huit
et en mille-neuf-cent-soixante-dix-huit,
année de la composition
de la chanson,
tout est possible.
Tandis que j’entends
sur Radio Nostalgie
cette chanson
qui remonte
d’un lointain dimanche
de mon enfance,
j’espère,
pendant un bref
instant,
le retour
des absents.
J’ose croire
qu’ils s’apprêtent
à boire
leur café noir
dans leur tasse
de porcelaine,
là, sur l’écran
bleu
de ma mémoire
(- Tu prends deux
ou trois sucres ?
– Non ! Tu sais très bien
que je préfère
le sucre roux
en poudre !
– Reste assise !
Je vais te chercher
le sachet
d’or ! ),
comme si une chanson
de jeunesse
avait le pouvoir
de ressusciter
les morts
et de ranimer
leurs voix
dans le profond
silence
de mon cœur
de cristal
que six
fêlures
lézardent
sans qu’il se brise.
Géraldine Andrée